Valérie JAYAT
Peintures et dessins contemporains
"HABITER L'IMAGINAIRE"
Réinventant la peinture au couteau, l'artiste met son art au service d'un imaginaire fertile où les bris de la mémoire et du rêve se conjuguent. Ses peintures se décantent lentement dans l'oeil du spectateur, et ne révèlent tout leur sens qu'aux patients et aux contemplatifs. Ainsi, très vite face à la polysémie des images, les distinctions entre l'homme, la faune, et la flore se gomment comme afin de nous rappeler qu'elles n'ont aucune importance.
Les personnages habitent la plupart du temps un univers indéfini d'ocre et de bronze, dont le flou intentionnel et la teinte neutre oblige dans un premier temps le regard à se concentrer sur l'essentiel, c'est à dire le vivant.
Cependant, quand, au détour d'une toile, un paysage se matérialise, il nous renvoie presque toujours à l'océan. Marais salants, plages aux textures multiples, côtes rocheuses défilent et s'entrecroisent, régis par des règles physiques inconnues.
Peintre de la matière, du relief, l'artiste affectionne cependant des panoramas à l'image de sa peinture, avec un horizon ouvert, infini, des lieux en forme de pages blanches où la plus belle part est laissée à l'imagination de celui qui passe. Les êtres, quant à eux, mériteraient leur propre taxinomie tant ils paraissent divers. Leurs couleurs expriment à elles-seules la manière hétéroclite dont ils habitent leurs environnements.
Jeux d'échos,
de contrastes, de motifs foisonnent pour indiquer quels spécimens se sont adaptés à leurs milieux et lesquels semblent résister contre lui.Malgré la multitude d'espèces qui composent ce bestiaire - homme-poissons, femme-lierre, créatures sans genre, siamois, tapirs, cyborgs des permanences sont à relever.
Certaines figures humaines posent face au peintre. Dos à la beauté du monde, elles dépeignent un homme statique, animal social incapable d'habiter son environnement tant il cherche à plaire aux siens. Autre récurrence, une part des protagonistes avancent masqués. Scaphandres, casques, visières, masques de thériaque ou masques chirurgicaux se succèdent sur les visages de ces êtres qui partout domestiquent la nature, prélèvent, écartèlent, détruisent, recyclent afin de mieux conjurer la diversité des choses et fabriquer ainsi un monde à leur image.
Ces camouflages sont à l'imitation de nos maisons et de nos villes,
un mur dressé entre l'homme et la nature qui le soustrait au reste du vivant et l'aveugle face au désastre écologique en marche. Avec un humour décalé, l'artiste donne corps à cette part animale de nous-même que nous n'aimons pas regarder de front. En témoigent les subtils jeux de proportions entre les figures bestiales et humaines.
Tantôt, nous voilà représentés à une échelle lilliputienne, aux mains de bêtes colossales et indifférentes à nos vies, tantôt, notamment dans la série Cravaches, nos silhouettes se font massives, dignes de véritables bêtes de somme, brouillant les lignes entre le cavalier et sa monture, entre celui qui tient la cravache et celui qui subit les coups.
Pour autant, la peinture de Valérie Jayat ne convoque pas une vision foncièrement pessimiste de l'homme.
Ici où là, émergent quelques rêveurs qui scrutent l'horizon. Plus significatif encore est le thème récurrent du lien. En effet, les anthropoïdes imaginés par l'artiste possèdent l'étrange pouvoir de relier les choses entre elles. Ce lien, celui-là même, semble-t-il, de la culture humaine, s'avère parfois certes néfaste, quand on l'emploie par exemple à déraciner ou à s'estraire de la vie.
Ce lien ténu, sinueux, mystérieux, parfois à peine visible, semble représenter le seul salut des êtres qu'il traverse. Face à notre condition humaine, qui n'est finalement pas moins absurde qu'un homme à tête de queue de sardine, il est ce qui nous tisse les uns aux autres et nous permet de continuer à vivre.
Mathieu LANDAIS - Scénariste - Auteur
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